Article du Nouveau Quotidien du mardi 31 mars 1992

 

 Il affectionne les stations.
Surtout lorsqu'il y est précédé d'un ou deux confrères, car pour Michel Gilliéron les minutes de liberté sont d'or. Chauffeur de taxi dans le civil, il ne manque pas une occasion de filer dans le rêve, celui qui apporte de la joie aux autres.

Celui qui le fait vivre depuis trente-cinq ans, cet imaginaire qu'il nourrit de ses observations: en attendant mes clients, je travaille à mes mises en scène tout en observant la rue et quand ils sont dans ma voiture, je les écoute et recueille toutes sortes de richesses qui m'inspirent.

Très jeune, il suit des cours d'art dramatique à Paris, tâte du cabaret tout en gagnant sa vie comme plongeur avant de revenir au pays. Sa rencontre avec Paul Pasquier, très fructueuse, lui permet de peaufiner sa technique. De pièce en pièce, il assouvit toujours mieux sa passion. Ça doit être un atavisme, car lorsque j'étais enfant, ma mère m'envoyait souvent chercher mon père dans les cafés où il chantait et jouait la comédie. Mort prématurément, ce père à laissé un legs unique à son fils: l'amour des planches.

En 1986, après avoir présenté des sketches comiques avec Nono Muller, avoir ouvert avec d'autres un restaurant où la vie artistique devait avoir une place prépondérante, il décide de créer un cours d'art dramatique pour adultes amateurs. Je m'étais lancé dans la mise en scène et il m'est apparu que pour diriger les artistes en herbe il était bon de leur enseigner quelques bases.

Les petites annonces lui rapportent douze élèves. Douze élèves qui, après quatorze semaines de diction et de maintien, d'exercices de respiration et concentration, plus toutes sortes de conseils, donnent un spectacle. Des tableaux qui ont pour thème la drôle de farce, le discours du père, le maître nageur ou une histoire folle. La fin du parcours est sanctionnée par un petit diplôme, qui peut toujours servir ! Plusieurs participants ont continué à l'ERAD.

Chaque année, début juillet, Michel Gilliéron réunit de nouveaux adeptes. Fin psychologue, il dirige ses acteurs avec rigueur tout en leur apprenant à mettre en valeur leur propre personnalité. Mais avant tout il leur transmet son amour du théâtre.

De cette initiative, une troupe est née, le Trac-n-Art, qui monte des pièces en permanence. Flexible, le groupe s'enrichit de tous ceux que le cours a convaincus. Tant mieux, nous projetons de monter Molière l'année prochaine !


Isabelle Turin, article paru dans Le Nouveau Quotidien, édition du mardi 31 mars 1992

 

Michel Gilliéron est décédé en juin 2017. Il est toujours dans nos coeurs et son enthousiasme nous accompagne à jamais.